Champs-Elysées
Le train ralentit, longe de vieux immeubles
gris et ballote de droite et de gauche les passagers durant de longues minutes pour
stopper finalement au bout d’un quai de la gare d’Austerlitz. Une voix
impersonnelle annonce la fin du voyage et attise mon impatience de revoir la Tour Eiffel, Notre-Dame, Montmartre
et tous les autres magnifiques monuments qui font de Paris une ville inconnue ou
trop connue peut-être.
Le va-et-vient des taxis m’accueille
en ce matin frileux et au loin le tumulte sourd de la ville résonne. Dehors,
dans les bars, les garçons de café s’affairent en portant leur plateau,
perpétuel déséquilibre, d’où s’échappent les effluves des boissons chaudes qui
réconfortent les voyageurs et les noctambules, papillons de nuit, qui rentrent
du travail en frissonnant de fatigue.
Bousculée par des fantômes
vivants, pressés de rattraper leur retard, je file d’un pas vif le long des
rues pour admirer mes Champs-Élysées qui m’offrent un spectacle grandiose de l’Étoile
à la Concorde et me procurent à chacune de mes visites une émotion enivrante.
Le cœur battant, je les retrouve
majestueux avec ses arbres alignés, givrés par le froid et décorés de colliers
multicolores, préparation aux fêtes de fin d’année.
Je m’approprie mon avenue fascinée
par le trafic incessant de voitures, serpent rayé d’or et de feu qui ondule,
rampe et s’enroule autour de l’Arc de triomphe, tordant ses anneaux pour
disparaitre dans un nuage de poussière sombre.
Puis, mes pas glissés dans ces sillons
éphémères, laissant un peu de magie venue du bout du monde, me conduisent vers
d’élégants immeubles aux façades ornées de sculptures. Ces témoignages d’une
époque révolue contrastent avec une vitrine qui reflète mon visage émerveillé par
ces chefs-d’œuvre esthétiques qui me sont inaccessibles.
La vague déferlante de promeneurs
cosmopolites, insouciants, à la recherche du légendaire restaurant Le Fouquet’s,
inonde les larges trottoirs où cohabitent les magasins de luxe, les halls
d’exposition de grandes marques de voitures et les cinémas devant lesquels se
forment des files d’attente interminables.
Une émotion me submerge en voyant
soudain une bouche de métro vomir son flot de touristes, impatients de filmer une
scène de cette comédie de mœurs présentée dans un écrin sonore. Tandis qu’indifférentes
à cette agitation, les terrasses des bistrots accueillent les amoureux pour
jouir d’un moment de bonheur et les incitent à observer le ballet des piétons à
la fois semblables et si différents.
Le cœur léger je poursuis mon
chemin vers la place Clemenceau, ponctué de rencontres furtives, de souvenirs
d’enfance, de face à face avec des badauds attroupés qui s’amusent des
clowneries d’un mime persuadé de devenir un jour un artiste célèbre.
Soudain, un joyeux groupe de
jeunes gens lâche des ballons multicolores qui s’élèvent en frôlant les arbres
et les murs pour disparaitre au-dessus des toits, invitation inattendue à une
folle odyssée.
Les fontaines monumentales de la
place de la Concorde, entourées de touristes, harnachés d’appareils-photos et
avides d’immortaliser un tableau naturel, pleurent des rubans de dentelle
blanche, bouquets de glace déposés là par les caprices du ciel.
Champs-Élysées, le temps passé avec toi me procure une
sensation palpable de liberté et je ferme les yeux pour mieux goûter à cette
félicité, cette ivresse qui ne dure qu’un instant. Tu m’as envoutée et ton nom
laisse dans mon cœur une empreinte indélébile
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