Rencontre sur la plage

 

Sur une plage inondée de soleil, les vagues de l’océan léchaient doucement le sable fin. Chaque jour, Damien faisait des arabesques et des pirouettes colorées dans le ciel avec son cerf-volant. Il aimait ces moments de calme et de solitude. Le vent manquait à l’appel, ce matin. Son cerf-volant se tortillait lamentablement avant de s’effondrer, épuisé, au pied de la dune.

Silencieuse, Odyssée se dissimulait derrière un bateau, pour observer cet étrange ballet. En colère, Damien décida de rentrer. Il récupéra son jouet, en prenant soin de ne pas emmêler les fils, et se promit de revenir le lendemain.

— Bonjour, dit Odyssée en sortant de sa cachette.

Étonné, le garçon sursauta et en resta bouche bée. Une petite boule grise apparut, aux poils si soyeux, que Damien avança timidement la main pour la caresser.

— Lui, c’est Miaou.

— Je m’appelle Odyssée, et toi ?

— Moi, c’est Damien. Ton nom semble vraiment curieux et tes habits étranges pour une fille.

Odyssée éclata de rire à la remarque.

Mon prénom vient des gens du voyage. J’ai créé et cousu ma tenue, même si elle paraît trop grande pour ma taille. Elle tourna tel un derviche tourneur, les pans de son manteau volèrent et dévoilèrent toute sa panoplie.

Ma salopette se révèle très pratique. Dans cette immense poche, sur mon ventre, je cache Miaou. Dans celle de droite, je mets tous les coquillages que je ramasse sur la plage. En bas à gauche, je range des cailloux blancs. Regarde, précisa-t-elle en montrant ses collections.

— Qu’est-ce que c’est ? Ce truc-là c’est beaucoup trop grand pour toi.

— Mon manteau ! Il me protège du froid la nuit. S’il fait trop chaud, je le plie et le place dans la poche sur ma jambe.

Damien, surpris par cette rencontre, n’osa rien dire. Miaou, tel un petit kangourou, choisit cet instant de calme pour ressortir son museau de sa cachette. À la vue des deux yeux ronds, Damien rit de bon cœur.

— Je dois rentrer chez moi maintenant, lui annonça-t-il. Toi aussi, du moins je le suppose. Viendras-tu demain ?

— Je ne vis pas dans une maison, je vagabonde de plage en plage, je dors ici ou là au gré de mes balades. Habites-tu loin ? Pouvons-nous y aller en nous asseyant sur ton cerf-volant ?

— Oh ! Non. C’est un jouet trop fragile pour nous porter.

Tous deux observèrent tristement le cerf-volant étalé sur le sol. Il semblait trop petit, de toute évidence, et il se déchirerait sûrement sous leurs poids.

— Hé ! Regarde le joli papillon qui se pose, s’exclama la fillette. Ses larges ailes arborent une palette de couleurs variées. L’orange et le jaune s’entremêlent rehaussés de veines noires, et ces deux cercles bleus ressemblent à des yeux. C’est magnifique.

Lentement, les enfants s’approchèrent. Bien plus hardie, Odyssée, attrapa l’insecte qui tremblait et s’agitait dans tous les sens au creux de sa main.

— Ne crains rien ! Voilà, Damien, précisa-t-elle en direction du papillon.

Une voix douce lui répondit : toi, c’est Odyssée, accompagnée de Miaou, ton chat.

Étonnés, ils cherchèrent d’où venait le chuchotement et, en libérant du même coup l’animal, celui-ci se posa sur la tête de Damien.

— Un papillon qui parle ! hurlèrent les enfants apeurés.

— Eh oui ! Je suis la Fée Coquine ! Pour m’amuser de temps en temps, je plaisante. En passant par là, sans vouloir écouter votre conversation, j’ai entendu vos lamentations. Je crois connaître la solution. Nous allons demander à mon amie la brise de nous aider. Un tour de magie et hop, vous partirez pour une belle aventure.

— Oh ! Oui ! s’exclama Odyssée.

— Ah non ! Non ! Je ne voyage pas avec une fille, s’indigna Damien.

— Et pourquoi, s’il te plaît ?

— Pourquoi ? Parce qu’une fille couine sans cesse, elle saute sur un pied ou sur l’autre telle une véritable sauterelle.

Vexée, Odyssée répliqua avec fureur.

— D’abord, je ne pleurniche pas et je ne gambade pas.

— Du calme les jeunes ! Tu te montres bien désagréable, Damien ! Si tu continues, je te transforme en crapaud, menaça la fée Coquine.

— Oh oui ! Un crapaud ! cria Miaou, resté tranquille pendant la dispute. Chouette, un copain, je vais jouer avec lui.

— Bon ! Je ne veux plus rien entendre, imposa la fée en se posant sur le museau du chat, qui claqua des dents de peur. Maintenant, je dois trouver la formule magique. Silence !

Le temps sembla s’arrêter. Les enfants, immobiles, écoutèrent sans broncher un faible murmure. Soudain, le cerf-volant s’agrandit, ses couleurs devinrent plus vives. Le vent souffla de plus en plus fort, jouant dans leurs cheveux. Odyssée ne put contenir sa joie. Elle gambadait en chantant.

— Tu vois que tu sautes, hurla Damien.

— Vilain crapaud, vilain crapaud ! se moqua Miaou.

— Chut ! Vous pesez comme des enclumes. Tenez-vous la main.

— Bien, maintenant fermez les yeux.

Immédiatement, le chaton s’agrippa sur le rebord de la poche pour se trouver aux premières loges du spectacle.

La fée vola autour d’eux, de longues minutes. Soudain, les deux amis devinrent aussi petits qu’une pâquerette.

— Ouah ! Génial. Ils s’assirent au milieu du cerf-volant, les cordes leur servant de sécurité.

— Damien, appelle le vent à présent, ordonna la fée.

Damien de très méchante humeur prit les commandes. Furieux, en plus de devoir emmener une fille, il devait également supporter son chat.

— Descends ton mistigri, il va tout déchirer avec ses griffes ! essaya-t-il de lui expliquer.

— Non, il reste avec moi. En plus du bonnet à pompon, regarde, je vais lui mettre des gants aux pattes. Je les ai tricotés pour le froid de l’hiver, ainsi il n’égratignera rien.

La fillette habilla son compagnon tandis que Damien appelait le vent : « Gentille brise, monte-nous vers les étoiles ».

Le cerf-volant s’éleva en dessinant des volutes. Heureux, les deux amis riaient aux éclats.

Leurs têtes tournaient devant tant de surprises. De la taille d’une puce, Miaou affolé à la pensée de se perdre dans l’immensité du ciel, plongea pour se cacher dans la poche de la salopette.

— Miaou, où te camoufles-tu ? Nous arrivons près du soleil.

— Je ne peux pas regarder, j’ai le vertige et j’ai mal au cœur.

— Si, viens donc au bord, je te tiens. L’air te fera du bien. Tu vas voir, c’est si beau.

— Tu crois ?

Miaou, avança doucement sa tête, il ouvrit les yeux et aperçut le papillon posé sur sa patte.

D’un coup d’ailes, il virevolta autour d’eux, se fondit dans le firmament, puis revint, répétant inlassablement sa danse aérienne. En bas, tout semblait minuscule. Les maisons, les voitures, les montagnes et même les gens évoquaient les jeux de construction de Damien.

— Regarde la gare, elle ressemble au train électrique de mon père.

Leurs yeux trop petits pour embrasser tant de splendeurs se perdaient dans l’immensité. Les nuages, par endroits, tissaient un tapis de crème chantilly, frôlés par les oiseaux qui sifflaient leurs mélodies préférées. La nuit, les villes scintillaient comme des joyaux en or posés sur un écrin noir. Quel voyage merveilleux !

Soudain, devant eux, un somptueux ruban de toutes les couleurs enlaça la terre. Une véritable autoroute multicolore les invitait à la glissade enchanteresse.

— C’est un immense arc-en-ciel, s’écria Odyssée

— Si nous passons dessous, nous entrerons au pays des fées, répliqua Miaou.

— Oh ! Oui, allons visiter ! Suggéra Odyssée.

— Tu ne peux pas. C’est un endroit secret. Si nous y pénétrons, nous nous transformerons en dragons, se lamenta Damien.

Pris de panique, le chat disparut au fond de la poche. Soudain, le vent s’affaiblit, déposant les voyageurs sur l’arc-en-ciel.

— Maintenant, glissez comme sur un toboggan, murmura la fée. Vous rejoindrez la terre, et à son pied se trouve un trésor.

— Quel trésor ? ricana Miaou, réveillé par l’atterrissage.

— Celui de l’amitié. Vous le garderez à jamais dans votre cœur, susurra le papillon en se volatilisant dans les nuages.

 

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